Index des projets


  • Avertissement
  • Appropriation du français langue de scolarisation en situation diglossique
  • Lexique verbal et flexibilité sémantique
  • Représentation des événements dans l acquisition
  • Dynamiques des francais peripheriques
  • Transferts d apprentissage école bilingue Burkina Mali Niger
  • Appropriation du français langue de scolarisation en situation diglossique

    Projet AUF / CAMPUS / Cognitique sur «Appropriation du français langue de scolarisation et construction de connaissances via la scolarisation en situation diglossique » (2001-2005)

    Participants

    Membres du labo MoDyCo (UMR 7114) de Paris-X rattachés à titre principal : Colette Noyau (responsable), Maria Kihlstedt ; pour la partie bilan Carole Tisset ;  associée à la conception du projet pour le volet sociolinguistique : Françoise Gadet

    Doctorants : Mayé Diouf, Kossi Souley Gbeto, Olivia Binganga
    Jeunes chercheurs associés : Ufoalè-Christine Afola, Cécile Vigouroux

    Enseignants-chercheurs de l’équipe de l'Université de Lomé (séjours de recherche au sein de l’UMR) : Edith Bedou-Jondoh, Alilou Cissé, Issa Takassi, Maryse Quashie.

    Discipline(s) et /ou sous-discipline(s) concernée(s)

    Linguistique de l’acquisition, psycholinguistique, sociolinguistique, typologie des langues, didactique des langues

    Problématique

    Ce projet s'est donné comme objectif d'étudier l’appropriation et l’utilisation du français langue seconde au Togo au long de la scolarisation :
    - depuis l’entrée à l’école jusqu’à l’issue de la classe de 3ème, d’où doivent sortir de jeunes adultes bilingues ;
    - parallèlement au développement des capacités langagières en langue première, ainsi que la construction de connaissances via le français langue de scolarisation, en collaboration avec une équipe de linguistes de l’Université de Lomé (Togo).

    Il a été soutenu conjointement par le programme CAMPUS du Ministère français des Affaires Etrangères, par l'AUF, par le Conseil Scientifique de l'Université Paris-X à son démarrage, et a fait l'objet d'un volet spécifique de l'ACI 'Ecole et science cognitive' du Ministère de la Recherche sur la construction de connaissances via la scolarisation en situation diglossique avec l'apport de psychologues et de didacticiens des sciences.

    Compte-rendu des travaux

    La recherche sur le terrain s'est mise en place en 2001, après une rpéenquête en 2000, et s'est déroulée pour l'essentiel eentre 2002 et 2004. En 2005, les enquêtes sur le terrain ont été conduites à bonne fin (bouclage de l'enquête en ville, réalisation de l'enquête en zone rurale), et les données recueillies et mise en forme au fur et à mesure ont été exploitées dans de nombreuses présentations à des colloques. Un colloque international sur nos axes a été organisé à Paris X en février 2005 (une cinquantaine de communiquants dont une vingtaine en provenance de 19 pays d’Afrique, Actes sur CD-ROM parus en février 2007).
    Les résultats d’ensemble ont fait l’objet d’un rapport final auprès du comité Campus du MAE, et  d’un rapport final à l’AUF . Le volet Cognitique sur la construction de connaissances scolaires en langue seconde est achevé.
    Enfin, des implications didactiques importantes sont à tirer de nos résultats. Elles devraient faire l’objet d’un colloque organisé par l’équipe togolaise à Lomé , avec l’implication scientifique de l’UMR Modyco et la participation de plusieurs membres nanterrois de l’équipe du projet.

    1) Apports acquisitionnels

    • Acquisition du français L2
    - Général
    La progression très lente des 2 premières années met en question le principe d’un enseignement monolingue dès le début de la scolarité pour tous les apprentissages scolaires.
    - Par domaines :

    a) Développement du lexique nominal et du SN en L2
    Le lexique nominal est prédominant aux premiers stades de l’acquisition de la L2 pour des raisons acquisitionnelles, mais les pratiques pédagogiques renforcent cet effet : il faut nommer, définir, mémoriser des inventaires d’entités.

    b) Développement du lexique verbal et grammaticalisation du SV en L2
    Le lexique verbal se développe avec retard sur le lexique nominal, fait peu l’objet d’une intervention didactique, et l’input en verbes dans les manuels est inadapté, or l’organisation sémantique du lexique en L1 diffère grandement de celle que connaît le français. Cette zone fragile contribue au cantonnement dans des discours statiques, descriptifs et définitoires (on inventorie, décrit, dénomme) dans toutes les matières, qui nuit à une saisie dynamique des événements et des états du monde.

    c) Développement de la syntaxe et de l’usage fonctionnel des énoncés complexes en L2
    Les enfants des 2 premiers paliers produisent essentiellement des énoncés simples à un seul prédicat. La progressive augmentation des énoncés pluri-propositionnels avec juxtaposition ou coordination atteste de la capacité croissante à gérer davantage d’informations à la fois dans le discours, avant que la syntaxe elle-même devienne complexe, avec les relatives en qui et les temporelles en quand d’abord.

    d) Production textuelle, développement de la capacité narrative en L2
    L’enseignement et l’évaluation scolaire sont axés sur le respect des normes grammaticales purement phrastiques, l’entraînement à la production de discours suivi est tardif, les enfants n’ont pas l’occasion de lire de vrais textes relevant clairement des types textuels fondamentaux (récit, description, explications, argumentations), mais des résumés en un ou peu d’énoncés, des textes de lecture chargés en dénominations et contenant peu d’événements ou d’actions. En conséquence le développement de la capacité à produire un texte en français tarde notablement, c’est-à-dire aussi la prise d’autonomie en tant que locuteur.

    e) De l’oral à l’écrit
    Notre centration sur l’oral nous permet de séparer les facteurs dans l’interprétation des productions écrites : ce qui tient aux processus généraux d’acquisition de la L2 (dans les grands domaines linguistiques supra), ce qui tient à la maîtrise du code écrit et de l’orthographe lexicale et grammaticale du français, et ce qui tient à l’entraînement scolaire. On pouvait s’attendre à ce que les productions écrites soient nettement moins riches et bien structurées que les productions orales correspondantes. Cet effet s’est vérifié aux paliers du primaire : en 4ème année (CE2) et encore en 6ème année (CM2), où l’écrit tend à reproduire la prestation orale (à la maîtrise orthographique près), avec, chez certains enfants, un texte non pas conçu comme plus court, mais inachevé étant donné le temps de réalisation d’une page écrite : l’entraînement à l’écrit n’est pas suffisamment intensif dans les conditions matérielles observées pour permettre une bonne automatisation des tâches de scription. Mais ce n’est pas le cas au collège, en 5e et en 3e, où les différents indicateurs mis en œuvre dans nos comparaisons manifestent des divergences minimes entre les deux versions, orale et écrite, d’une tâche.

    • Développement de la L1 chez l’enfant durant les années de scolarité
    Les productions textuelles des enfants les plus jeunes manifestent une capacité discursive encore chancelante mais réelle en L1. Le développement naturel de la L1 au fil des années d’école (et sans apport de l’école où elle est ignorée) concernera tous les aspects de l’énonciation (ancrage en personne, temps, espace), de la référence (liens anaphoriques), de la cohésion (usage fonctionnel des connecteurs) et de la cohérence. Les acquis à chaque palier en L1 nous donnent une image de ce vers quoi les enfants pourraient tendre en L2 – si les activités scolaires leur permettaient davantage de s’entraîner à la production discursive.

    • Relations L1-L2
    Les élèves sont déjà locuteurs d’une langue qui leur sert à penser le monde et à agir dans la société, mais leur compétence en L1 s’enrichit et se restructure encore durant les années d’école. On ne peut leur exiger en français plus que ce qu’ils peuvent faire en L1 à chaque étape, mais il est important de fonder la pédagogie sur leur capacité communicative déjà en place, et sur la considération de leur bilinguisme en devenir.
    Par ailleurs, l’influence de la L1 sur le discours en L2 se fait jour très naturellement là où les élèves construisent des discours à partir d’une conceptualisation de contenus à transmettre, sans reproduire du discours déjà fourni par le maître ou le livre. Leur conceptualisation est fondée sur celle qu’ils mettent en œuvre en L1, et ils recherchent les formes (unités lexicales et constructions) pour la formuler en L2. Même lorsque l’expérience de discours en français est devenue plus riche (au collège), cette influence ne peut céder complètement. C’est par là qu’on comprend comment la francophonie diglossique, qui se transmet entre locuteurs ayant le français comme L2, fait l’objet d’une appropriation aux contextes linguistiques et culturels au sein desquels elle se déploie.
    L’étude des données a amené à approfondir la dimension typologique de ces comparaisons entre français et langue africaine en ce qui concerne la lexicalisation des procès complexes (Noyau & Takassi, 2005).

    2) Apports sociolinguistiques
    • Développement du bilinguisme
    Le bilinguisme sociétal est omniprésent en zone urbaine, où rares sont les circonstances où on parle de façon pure l’une ou l’autre langue. Les emprunts lexicaux dans les deux sens, et les constructions manifestant des calques renvoyant à une conceptualisation sous-jacente en L1 lexicalisée en L2 sont constants. En zone rurale en revanche, le français constitue une vraie langue étrangère pour l’enfant entrant à l’école. Les dommages créés par une approche monolingue de l’école francophone sont considérables en termes de développement des connaissances et de la capacité d’expression.

    • Représentations des langues et du français
    Les pratiques des enseignants, leur propre référence, et les idées qu’ils véhiculent à propos du français sont autant de composantes de la langue de référence. Les enseignants interviennent donc dans l’élaboration d’une variété de référence pour leurs élèves. Au-delà des traits formels, la référence ne peut être dissociée de l’insécurité linguistique. Les représentations de la norme et l’insécurité dans la langue peuvent être considérées comme les principaux moteurs de l’élaboration de la référence.

    • Portrait du locuteur autorisé : l’enseignant
    Sur la base d’entretiens semi-dirigés auprès d’instituteurs de Lomé, nous avons exploré des questions relatives à la conscience de la norme, à l’assimilation oral-écrit, et à l’insécurité linguistique. L’enseignant contribue à l’élaboration du français de référence, tout en étant sensible à une norme endogène en extension. Il est également un acteur social, tiraillé entre les exigences administratives et la demande en matière d’éducation et d’apprentissage, pris entre deux langues. Nous avons esquissé, à partir de ces entretiens et de leurs comportements linguistiques et métalinguistiques dans les séquences de classe enregistrées, un "portrait sociolinguistique" des locuteurs autorisés.

    3) Apports éducatifs
    • Développement de la capacité discursive et textuelle
    Les enfants sont peu confrontés à de vrais textes relevant clairement des types textuels fondamentaux, mais à des résumés en un ou peu d’énoncés, à des textes de lecture chargés en dénominations et contenant peu d’événements ou d’actions. Les activités langagières que nous leur avons fait pratiquer les amènent à faire plus – et autre chose - que ce qui leur est normalement demandé, ils doivent mobiliser de façon constructive leurs acquis dans du discours neuf, faire avec ce qu’ils ont, notamment avec leur connaissance des genres textuels émanant de leur L1, ce qui est décisif pour un bon diagnostic de l’appropriation de la langue.

    • Construction de connaissances scolaires en L2
    La double focalisation langue / contenu, constante en classe quelle que soit la matière, se résout le plus souvent à l’avantage de l’entraînement normatif aux ‘bonnes phrases’ : a) phrases complètes, b) constituant la réponse standard attendue aux examens à la question standard. La construction cognitive est ici absente (activités de découverte, de résolution de problèmes cognitifs, de mise en relation de connaissances nouvelles avec des connaissances antérieures). C’est là un domaine clé sur lequel devrait porter la formation des maîtres. Cette double focalisation n’aurait pas forcément de conséquences si lourdes si elle ne s’accompagnait pas d’une système rigide d’évaluation-certification axé sur des critères formels.

    • Prise en compte de la L1 et de la culture d’origine dans les apprentissages scolaires
    La L1 est officiellement absente de la classe, mais clandestinement présente de façon sporadique dans les premières années. Les enseignants hésitent à en convenir tant la chose est contraire aux messages de l’institution, et nous n’avons pas pu l’observer directement, le paradoxe de l’observateur ayant joué. La non prise en compte de l’expérience langagière des enfants en dehors de l’école est dommageable de plusieurs points de vue : l’interdiction dévalorise la L1, fondement de l’identité du sujet parlant cognitif et social, et risque de conduire à un bilinguisme soustractif (c’est le cas notamment en zone urbaine) ; la compréhension des activités scolaires est souvent déficiente, sans beaucoup d’attention de la part des maîtres qui se centrent sur le caractère normé des formes de langue employées par l’enfant ; les enfants, qui disposent d’une capacité discursive non négligeable en L1 dès l’âge de l’entrée à l’école, en sont réduits à parler durant un ou deux ans par fragments laconiques en réponse aux questions de l’enseignant ; les connaissances du monde construites en L1 ne sont pas tenues en compte dans les matières concernant le milieu et l’expérience du monde, qui sont présentées de façon formelle et déconnectée de la vie ; les savoirs transmis par la culture endogène ne sont pas valorisés par l’école, ce qui favorise clivage de la personnalité et rupture des transmissions culturelles.

    • Evaluation des acquisitions et évaluation-certification scolaire
    Evaluer l’efficacité de l’acquisition scolaire de la langue, ce devrait être évaluer la capacité des enfants à utiliser la langue pour comprendre et construire des messages et les communiquer. L’approche fonctionnaliste de l’acquisition permet de proposer une démarche positive, holistique, communicative, d’évaluation des capacités d’expression orale et écrite des enfants à chaque palier de scolarisation. Une telle approche est de nature à permettre de renouveler les pratiques d’évaluation certificative, boussole des pratiques pédagogiques à l’école francophone. Or actuellement, ces pratiques d’évaluation sont marquées par leur caractère formel et la minimisation du raisonnement et des contenus au profit du critère de la correction formelle du code écrit stricto sensu, et le système de certification scolaire y perd en capacité à déceler les individus prometteurs en termes de poursuite d’études.

    Thèses inscrites

    - M. M. Diouf : Pratiques langagières en classe dans la transmission et la construction de connaissances en français L2. Direction C. Noyau.
    - K. S. Gbeto : Les discours procéduraux et explicatifs en L1/L2 et le développement des énoncés complexes. Direction C. Noyau. Soutenue en juillet 2007.
    - O. Binganga : Appropriation du français en situation diglossique : comparaison des productions d’élèves en français L2 au Togo et au Gabon. Direction C. Noyau. Soutenue en janvier 2010.