Archives Seminaire doctoral de Sciences du langage 2009 2010
Le séminaire doctoral de Sciences du langage, placé sous l'égide de l'Ecole Doctorale Connaissance - Langage - Modélisation et du laboratoire Modèles - Dynamiques - Corpus (UMR 7114 du CNRS), a lieu un mercredi après-midi par mois de 14 h. à 16 h. 30, à partir du 18 novembre 2009, dans la salle de conférences (Bat. B) à l'Université Paris Ouest - sauf les séances des 27 janvier et 10 mars 2010 qui ont lieu à l'Université Paris Descartes, amphi Durckheim, 17 rue de la Sorbonne - de même que la séance de clôture le 26 mai.
Calendrier du séminaire :
18 novembre 2009 : La question de l'unité maximale de la syntaxe (UPO)
16 décembre 2009 : Textes et écritures (UPO)
27 janvier 2010 : Acquisition de la grammaire (U. Paris Descartes)
24 février 2010 : De nouvelles données en sociolinguistique ? (UPO)
10 mars 2010 : Répétition, paraphrases, reformulation (U. Paris Descartes)
7 avril 2010 : Prosodie, syntaxe et sémantique du français parlé (UPO)
12 mai 2010 : Ponctuaphie et typogration (UPO)
26 mai (et non 2 juin 2010) : Ressources pour le TAL (U. Paris Descartes)
Programme détaillé, avec résumés
18 novembre 2009
Séance organisée par Julie GLIKMAN : Quand la syntaxe dépasse les bornes, les phrases l'imitent : La question de l'unité maximale de la syntaxe
14 h. - 15 h. :
Christophe BENZITOUN, Maître de conférences à l'Université Nancy 2, ATILF, Quand la syntaxe dépasse les bornes : essai de typologie de quelques énoncés limites
Subordination, coordination, phrase, etc., toutes ces notions telles qu'on les conçoit habituellement ne sont pas opératoires pour rendre compte d'un certain nombre de cas problématiques. Après avoir montré les raisons pour lesquelles il est indispensable de dépasser ces notions traditionnelles, nous essaierons d'aborder la question des limites des unités syntaxiques. En effet, sans ce cadre rassurant et en étendant l'analyse à des exemples rarement pris en compte, on se retrouve face à des cas dont on ne sait plus trop si on peut encore les aborder en syntaxe. Cela oblige à revoir la manière dont on définit les unités syntaxiques, mais aussi et surtout les critères dont on se sert pour les mettre en évidence. Voici quelques-uns des exemples que nous aborderons :
1) Certes, on est encore, aujourd’hui, loin des frais d’inscription astronomiques demandés par les grandes écoles, mais est-ce une raison pour mettre le doigt dans un engrenage dangereux ? [L’Humanité]
2) La représentation du monde que se forme l’homme peut bien être d’origine scientifique ou mythique, elle fait toujours largement appel à l’imagination. [François Jacob]
3) « /Il y a toujours des étudiants qui sont prêts à se mobiliser contre la réforme de l’université, la Bourse et le capitalisme, note le président de Toulouse II Le Mirail. Mais notre établissement ne pourra pas supporter un mouvement tel que celui de l’an dernier/ ». [LibéToulouse]
4) donc il ne faisait absolument plus rien parce qu'il avait peur euh non seulement d'être contaminé mais en plus comme il osait pas réellement aller faire un test pour se rassurer parce qu'il en avait vraiment trop peur il ne faisait plus rien pour contaminer personne d'autre [oral]
La question principale à laquelle nous essaierons de répondre est celle de savoir si tous ces exemples forment une unique grande unité syntaxique ou plusieurs. S'agit-il de simples routines rhétoriques codifiées dans le discours ou de tournures syntaxiquement contraintes ?
15 h. 30 - 16 h. :
Julie GLIKMAN, Université de Savoie, Laboratoire MoDyCo, Phrase et subordination : Crime et châtiment
Il apparaît de plus en plus clair qu’il est impossible de délimiter une unité syntaxique de type ‘phrase’, tant en ancien français qu’en français moderne. Cela tient dans ce qu’elle n’a pas de limite maximale, comme nous le reverrons. C’est là tout son crime. La conséquence directe de ce crime est que cela rend de ce fait d’autant plus difficile d’établir la délimitation de ce qu’est « être, ou non, constituant de la phrase ». C’est là son « châtiment », dont l’importance est peut-être trop souvent laissée de côté. En effet, la plupart des études sur la subordination, ou même sur la dépendance ou encore la complémentation au sens large, présupposent souvent la notion de phrase, et définissent leur objet en tant que « constituant » d’une phrase. Mais, sans limite de phrase, pas de délimitations non plus des phénomènes d’intégration.
Nous reviendrons sur cette question de limites maximales de la phrase, et des conséquences qui en découlent, en partie à travers l’exemple des constituants périphériques en ancien français, qui oscillent entre intégration et indépendance, à l’instar des formes soulignées ci-dessous. Cette question de l’unité maximale de la syntaxe nous amènera à nous interroger sur son rapport avec l’unité minimale du texte (ou du discours), et à revenir sur la question : quelle(s) unité(s) (minimale ou maximale) pour la syntaxe ?
(1) Or guart chascuns que granz colps i empleit, / Que malvaise cançun de nus chantet ne seit ! (Roland 1014)
que chacun veille à ce qu’il frappe de grands coups, qu’il ne soit pas chanté de mauvaises chansons sur nous
(2) Pur Deu vos pri que ne seiez fuiant, / Que nuls prozdom malvaisement n'en chant. / Asez est mielz que moerium cumbatant (Roland 1517)
Pour Dieu je vous prie que vous ne soiez pas en fuite, que nul gentilhomme n’en chante en mal. Il est bien mieux que nous mourions en combattant
(3) Tantes batailles en avum afinees ! / Male chançun n'en deit estre cantee. " AOI. / (Roland 1466)
Tant de batailles en avons-nous mené à leur fin ! il ne doit pas en être chanté de mauvaises chansons
(4) Paien unt tort e chrestiens unt dreit. / Malvaise essample n'en serat ja de mei. " AOI. (Roland 1016)
Les païens ont tort et les chrétiens ont raison. Il n’en viendra pas de mauvais exemple de ma part
(5) Li empereres se fait e balz e liez : / Cordres ad prise e les murs peceiez, (Roland 97)
L’empereur se réjouis : il a pris Cordes et mis en pièce les murs
16 h. - 16 h. 30 :
Mathieu AVANZI, Universités de Paris Ouest Nanterre (Modyco) et de Neuchâtel, (Dés)ambiguïsation de la syntaxe par la prosodie
Dans le cadre du thème les limites de la syntaxe et de la phrase, je me propose de réfléchir sur la question de la (dés)ambiguïsation de la syntaxe par la prosodie à travers l’étude de certains constituants « flottants » en français parlé.
Les corpus de français parlé, transcrits généralement sans ponctuation, présentent de nombreuses occurrences d’ambiguïtés syntaxiques, plus précisément de syntagmes qui peuvent faire phrase avec le constituant qui les précède ou avec celui qui les suit :
(1) par contre Delphine nous a téléphonés hier soir on avait un message sur le répondeur [pfc]
(2) je rentrais chez moi en voiture j'en avais pour cinq minutes [ctfp]
(3) t’es solidaire de tes fesses t’es solidaire [unine]
(4) tout le temps elle avait du monde tout le temps [pfc]
(5) ils se garent très mal les gens ils hésitent pas à se cogner dans les voitures d’en face et de devant [cfpp2000]
Les exemples ci-dessus illustrent le phénomène dont il est question, sans vraiment épuiser tous les cas de figure rencontrés. À côté des circonstants soulignés dans (1) et (2), on trouve des SPrép. (3) ou des constructions verbales complètes (4) entre deux segments « en miroir ». L’exemple (5) est un cas de segment disloqué ambigu : on ne sait pas s’il doit être interprété comme un disloqué à droite (auquel cas il se rapporte à ce qui précède), ou un disloqué gauche (auquel cas il se rapporte à ce qui suit).
Hors contexte, le seul moyen de décider entre l’une ou l’autre analyse syntaxique est d’avoir recours à la prosodie. Le modèle que nous appliquerons pour ce faire repose sur le traitement des proéminences accentuelles de fin de groupe et une estimation semi-automatique de leur degré de saillance. L’analyse d’un corpus d’une trentaine d’occurrences nous permettra de montrer que si dans bien des cas la prosodie permet de trancher entre plusieurs interprétations différentes ; elle peut également contribuer, à l’inverse, à marquer le caractère « louche » d’un constituant. 16 h. 30 - 16 h. 40 : présentation du programme provisoire du séminaire 2009-2010 et appel à interventions
16 décembre 2009 : Textes et écritures
14h. - 14 h.50 : Fanny RINCK (MC SdL, MoDyCo, U. Paris Ouest Nanterre La Défense), Le genre de l'article de recherche, avec une comparaison entre deux disciplines de sciences humaines et entre les articles des doctorants et des chercheurs.
La thèse présentée vise une caractérisation du genre de l’article de recherche français, dans deux disciplines de sciences humaines, les Sciences du langage et les Lettres. Elle s’appuie sur un corpus de 220 articles et sur une approche quantitative et qualitative, pour mettre en évidence les normes d’écriture et les variations dans les usages du genre. Trois axes de contraste ont ainsi été explorés : les différences disciplinaires, les styles d’auteur et les spécificités des articles de doctorants par rapport à ceux de chercheurs plus chevronnés.
La caractérisation d’un genre appelle à multiplier les entrées linguistiques retenues (aspects structuraux, sémiographiques, lexicaux, énonciatifs). Nous avons privilégié cependant les traits qui s’avèrent pertinents pour analyser ce que les textes permettent de dire quant aux communautés discursives où ils sont en usage et en particulier la « figure de l’auteur », i.e. la manière dont se construit dans les texte une identité d’ « auteur qui est un chercheur » et avec elle, des manières de faire la recherche et des modes spécifiques de validation du savoir.
Dans un premier temps, nous montrerons que des identités disciplinaires fortes se manifestent, et des images plurielles de l’activité de recherche, sur un continuum entre un modèle épistémologique « scientifique » et un modèle « savant ». Dans un second temps, nous nous centrerons sur les articles de doctorants, qui se conforment davantage à des attentes canoniques du genre et interrogent ainsi l’acculturation à l’écrit de recherche et sa didactisation.
14h.50 - 15 h. 20 : Valelia MUNI TOKE (CNRS, UMR 7597, Univ. Paris-Diderot), Critiquer et encadrer l'expertise linguistique. L'exemple des “Guidelines for the Use of Language Analysis in Relation to Questions of National Origin in Refugee Cases” (LaNOG, 2004). Résumé en .doc et .odt en bas de page.
15 h.40 - 16 h.30 : Eduardo Calil (UFAL, CNPq, MoDyCo), La "rature orale" dans le processus de création d'une histoire : les mots et la non-coïncidence énonciative.
Nous proposons d’analyser un processus d’écriture en acte, sous le cadre théorique du fonctionnement méta-énonciatif (Authier-Revuz, 1995). Pour pouvoir accéder à ce processus, nous avons filmé des situations au cours desquelles deux élèves de 6 et 7 ans doivent écrire conjointement un historie inventée. Le filmage des actions interactives permet l’accès à ce qu’elles discutent au cours du processus d’écriture. C’est à partir de ce dialogue entre deux élèves que nous analyserons les « ratures orales » (Calil ; Felipeto, 2006) et leur statut au sein du processus de création. À partir de l’analyse de cet enregistrement, nous essayons de montrer dans quelle mesure la verbalisation dans l’activité d’écriture et les processus de création sont effectivement mis en pratique, mais aussi dans quelle mesure la subjectivité se manifeste par les ratures orales, qui constituent justement la mémoire de ce processus. Sous cet aspect, nous pouvons associer la « rature orale » aux formes méta-énonciatives systématiquement décrites par Authier-Revuz. Il nous convient de marquer, dans cette configuration énonciative, la dimension de la différence qui traverse les dires des élèves de façon intrasubjective et intersubjective. Nous proposons que dans l'interaction il intervient une opacification que si manifeste dans la matérialité elle-même des mots et qui met en cause la possibilité d’une énonciation « Une » du sujet.
Bibliographie
AUTHIER-REVUZ, Jacqueline : Ces mots qui ne vont pas de soi. Boucles réflexives et non coïncidences du dire. Paris: Larousse, 1995.
CALIL, Eduardo; FELIPETO, Sonia Cristina « Quand la rature (se) trompe: une analyse de l'activité métalinguistique ». Langage & Société, nº 117. Paris, 2006, p. 63 – 86.
27 janvier 2010 : Acquisition de la grammaire, séance organisée par Marie Leroy-Collombel
à l'Université Paris-Descartes, amphi Durkheim, 17 rue de la Sorbonne, 75005 Paris.
14h – 14h30 : Elena TUTUNJIU (doctorante, Paris Descartes, Modyco), Acquisition d’un phénomène grammatical complexe : le cas des relatives chez des enfants roumains de 8 et 10 ans.
L’étude que nous présentons s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche international sur les acquisitions tardives qui a pour objectif de décrire les procédures de reformulation que les enfants de 4, 6, 8, et 10 ans mettent en œuvre à partir de la restitution d’une histoire.
Cette étude a pour objectif d’analyser comment les enfants roumanophones de 8 et 10 ans restituent le contenu informatif d’une catégorie de prédications secondes : les relatives appositives.
En roumain, les relatives appositives présentent un phénomène grammatical complexe :
- les relatives appositives font partie des prédications complexes, composées d’une prédication principale et d’une prédication seconde.
- la prédication seconde introduit dans une phrase une information souvent plus importante que l’information exprimée par la prédication principale.
- une phrase relative appositive peut contenir des actants différents par rapport à ceux de la prédication principale.
Dans cette étude nous allons voir comment les enfants parviennent à re-produire ce phénomène grammatical complexe. Nous supposons que c’est en transformant l’énoncé source par des procédures de reformulation (répétition lacunaire, changement de sens, équivalence sémantique) que les enfants acquièrent ce phénomène complexe. Nous supposons qu’à 8 ans, les enfants ne parviennent pas encore à rendre compte de l’information exprimée dans la relative source alors qu’à 10 ans, la plupart y parviennent. Que font donc les enfants de 8 ans et quel cheminement suivent-ils pour parvenir 2 ans plus tard à exprimer une équivalence sémantique dans une construction relative ?
Références bibliographiques :
Fabre, Gilbert.1991. Parlons roumain, Langue et culture. Paris. L’harmattan/ Corlet
Harris, Zellig, S. 2007. La langue et l’information (traduction française : Amr Ibrahim & Claire Martinot). Paris : CRL.
Martinot Claire, Kuvac-Kraljevic Jelena, Bosnjak-Botica Tomislava, Chur Lilian, 2009. Prédication principale vs seconde à l’épreuve des faits d’acquisition. In Amr Helmy Ibrahim (éd.) Prédicats, prédication et structures prédicatives. Paris, CRL.
14h30 – 15h00 : Marie LEROY-COLLOMBEL (Paris Descartes, Modyco), « ma robe elle est jolisse », éveil de la conscience grammaticale entre 18 mois et 3 ans.
Acquérir la grammaire, c’est appprendre notamment à maîtriser l’usage des marqueurs morphologiques de sa langue maternelle. On peut expliquer la façon dont l’enfant accède à la morphologie de plusieurs manières, reflétées dans les différents courants théoriques. Selon nous, à la suite notamment d’auteurs comme Tomasello (2003), l’enfant construit par lui-même un système de relation entre forme et fonction, de manière progressive, à partir de son observation de l’input langagier.
A la suite de nombreuses études en acquisition du langage (cf. notamment Slobin 2001, Bowerman 1985, Clark 2001), nous partirons des « erreurs » ou « écarts » de l’enfant, comme marques de son processus de construction de la langue. Nous nous intéresserons notamment à deux aspects du langage d’un enfant français, entre 18 mois et 3 ans, à partir d’une étude longitudinale : la question du genre (et de son marquage sur l’article et l’adjectif) et l’expression de la possession (du complément du nom à l’adjectif possessif), et nous interrogerons sur la stratégie utilisée par cet enfant pour construire sa grammaire.
Références bibliographiques
- Bowerman, M. (1985), « What shapes children’s grammars ? », in D. Slobin (ed), The crosslinguistic study of language acquisition, vol.2 : Theoretical issues. Hillsdale, NJ : Lawrence Erlbaum, p. 1257-1319.
- Clark, E. (2001), « Emergent categories », in M. Bowerman & S.C. Levinson (eds), Language acquisition and conceptual development, Cambridge University Press (réédition 2003).
- Slobin, D.I. (2001), « Form-function relations : how do children find out what they are ? », in M. Bowerman & S.C. Levinson (eds), Language acquisition and conceptual development, Cambridge University Press (réédition 2003).
- Tomasello, M. (2003), Constructing a language, Harvard University Press.
15h30-16h30 : Edy VENEZIANO (Paris Descartes, Modyco), Les catégories nominale et verbale en émergence : méthodes d’évaluation et processus d’acquisition.
Quand est-ce qu'on peut attribuer à l'enfant un début de connaissance des catégories nominales et verbales ? Les indices que nous utilisons pour pouvoir répondre à cette question s'appuient sur l'évaluation d'autres aspects du développement langagier, tels que la morphologie grammaticale libre et la morphologie verbale liée, par des méthodes d'analyse permettant d'interroger les données en relation avec des hypothèses précises. Les résultats de production montrent que la différenciation entre catégories de mots se fait progressivement et elle est précédée par une période à la fois pré-catégorielle, pré-morphologique et pré-grammaticale.
Dans une autre approche, nous présenterons une nouvelle méthode qui, en compréhension, teste la capacité des enfants à tirer des inférences sémantiques à partir des caractéristiques morphosyntaxiques qui distinguent les syntagmes nominaux et verbaux.
24 février 2010 De nouvelles données en sociolinguistique ? séance organisée par Françoise GADET.
14 h. - 14 h. 05 : Françoise GADET, Introduction
Il ne s’agit évidemment pas de données nouvelles (car elles existaient déjà, il suffisait de décider de s’y intéresser – mais surtout de savoir pourquoi on y recourt). Les trois exposés présentés s’inscrivent dans une réflexion sur les effets d’une prise en considération de faits de langue allant d’interactions ordinaires et de faits d’oralité à des faits non standard, en cherchant à montrer à quel point leur contextualisation est indispensable pour pouvoir les situer et les interpréter.
L’horizon est de montrer comment et pourquoi il est intéressant d’aller chercher ces « nouvelles données », ainsi que d’établir qu’elles ont des conséquences sur la conception de la langue et finalement de la discipline « sciences du langage ».
14 h. 05 – 14 h. 50 : La « langue des jeunes ». Données et réflexions autour de l’usage de stagiaires de la formation continue en Ile de France, Michèle AUZANNEAU, Université Paris Descartes et MoDyCo
On a vu s’élaborer en France depuis la fin des années 80, tant dans le discours commun que dans le discours politique, institutionnel, médiatique et même linguistique, la notion de « langue des jeunes ». Accompagnée d’un discours sur la langue et sur ses usagers, cette notion renvoie généralement à l’émergence de spécificités linguistiques dans l’usage des jeunes résidant dans les zones périphériques défavorisées des villes. Cette façon de parler le français reflèterait une fracture sociale et rendrait difficile l’insertion sociale et professionnelle de leurs usagers qui, enfermés dans des pratiques langagières grégaires, ne sauraient pas s’adapter à la diversité sociale des situations de communication.
La notion de « langue des jeunes » constitue un objet d’étude pour la sociolinguistique qui peut s’intéresser à l’élaboration d’un mythe langagier en rapport avec les données d’un contexte socio-économique, politique et urbain particulier, éventuellement avec une visée applicative. Le but de l’étude peut être aussi de décrire les spécificités linguistiques et langagières des usages de jeunes locuteurs, caractérisant donc un sociolecte générationnel, ou permettant l’étude de changements linguistiques en cours.
La sociolinguistique peut également s’intéresser à la description de l’usage de jeunes locuteurs, sans préconstruire de catégories linguistiques ou sociales et sans isoler de variables linguistiques. Le but est alors de décrire et d’analyser les usages linguistiques dans le cadre de la dynamique d’interactions socialement situées. Cette dernière perspective est celle que je vais privilégier aujourd’hui en m’appuyant sur la démarche méthodologique, quelques données et résultats d’une recherche effectuée, à la demande d’institutions, sur les pratiques langagières de jeunes stagiaires de la formation continue en Ile de France.
Une telle perspective de travail entraîne inévitablement des réflexions méthodologiques relatives à la constitution et à l’analyse de corpus. Ces réflexions sont elles-mêmes étroitement liées à des questions théoriques telles que celles de la définition des notions de style, de variété linguistique et de langue, de leurs frontières et ainsi de leurs limites en tant qu’outils. La description et l’analyse de la langue lors de sa mise en œuvre dans le cadre dynamique des échanges communicationnels montrent, en effet, que la variation est l’une des propriétés de la langue. Elle ne peut donc être marginalisée dans le cadre de la description linguistique. La notion de langue de même que celle de variété linguistique apparaissent très insuffisantes pour décrire la variabilité des usages, donc les réalisations possibles du système linguistique et leurs contraintes. Celle de style, plus souple, présente des avantages certains. Il est cependant nécessaire de réfléchir tant à sa définition qu’aux approches diverses permettant d’étudier la variation stylistique, ainsi qu’à leurs limites et à leur complémentarité.
15 h. 10 – 15 h. 40 : Contact de langues et changement linguistique. Réflexions à partir d’un corpus oral de français acadien de la Nouvelle-Écosse, Cristina PETRAS, Université « Alexandru Ioan Cuza » Iasi, Roumanie
Si la tâche du sociolinguiste est principalement d’étudier les faits de langue tels qu’ils se manifestent dans des contextes sociaux précis, elle est aussi de s’interroger, à partir des données, sur l’éclairage que la sociolinguistique peut apporter sur le fonctionnement de la langue.
Je me propose dans cette intervention d’apporter quelques éléments de réponse à la question du rapport entre le contact de langues et le changement linguistique. Je m’appuierai sur un corpus oral constitué à partir d’enregistrements d’émissions d’une radio communautaire du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Le contexte sociolinguistique général est celui d’un contact intense avec l’anglais et d’un isolement de cette communauté, jusqu’à une date récente, de la francophonie – internationale, et même canadienne. Cette situation a donné lieu à une configuration particulière du répertoire linguistique (des phénomènes de contact avec l’anglais coexistent, chez les locuteurs de cette communauté, avec des faits de langue archaïques disparus des autres aires francophones).
L’intérêt de cette approche est d’analyser les retombées des phénomènes de contact au niveau de la structure linguistique. Il sera donc question ici de phénomènes structurels : je m’arrêterai sur le rôle joué par les emprunts à l’anglais dans la réorganisation de certaines classes comme celle des marqueurs discursifs. Le choix des productions linguistiques de cette radio communautaire est essentiel à la démarche envisagée. Ce type de radio est un endroit qui permet aux membres de la communauté de prendre la parole, dans un cadre qui leur est familier et donc informel. Ainsi, les émissions de cette radio offrent un discours oral authentique, indispensable à l’approche des phénomènes discursifs.
15 h. 45 – 16 h. 30 : Sociolinguiste dans une grammaire, Françoise Gadet, UPOND, MoDyCo
Je parlerai de ma participation, en tant que sociolinguiste travaillant sur des faits de syntaxe relevant de la variation, à l’élaboration d’une grammaire de référence du français (2002-2010).
La réflexion présentée portera essentiellement sur les différents choix auxquels il a fallu procéder en amont de la présentation d’une question syntaxique, en particulier quant à la sélection des données : quels niveaux de langue et quels styles sont à considérer, à partir du moment où l’on veut tenir compte de la langue parlée ? Sur quelle base certains faits de variation diatopique (parmi les français d’Amérique ou d’Afrique) ou diastratique (par ex. « langue des jeunes » ou « français populaire ») seront-ils retenus, ou non ? Par quelle argumentation décider si l’on a affaire à des faits de variation concernant la dynamique interne du français (qui doivent alors certainement figurer dans la grammaire), à des faits induits par le contact (dont la présence est plus discutable), ou encore à une convergence (et en ce cas, sur la base de quelle argumentation décider du rôle à leur reconnaître ?) ?
L’objectif est de montrer que de telles questions, qui relèvent de la sociolinguistique prise en un sens large, ne peuvent pas être considérées comme un « en-plus » de la conception et du traitement de la langue, mais qu’elles sont à son cœur même.
10 mars 2010, Répétition, paraphrases, reformulation, séance organisée par Claire MARTINOT
à l'Université Paris-Descartes, amphi Durkheim, 17 rue de la Sorbonne, 75005 Paris.
14h-14h15 : Présentation de la séance, Claire Martinot
14h15-14h55 - Clara ROMERO (Université Paris Descartes, MoDyCo UMR 7114) : Répétitions et reformulations sur les emballages de produits courants : une quadruple illusion
Ayant posé la répétition comme phénomène structurant le genre publicitaire à chaque niveau d’analyse du langage et de la communication, nous étudions un corpus d’emballages de produits courants (en particulier des cosmétiques). La reformulation y tient une place prépondérante, associée à des fonctions particulières. Celles-ci consistent essentiellement à donner au consommateur l’illusion que le discours qu’il lit a un contenu complexe (fonction contre les effets délétères de la répétition), l’illusion d’être informé (fonction pseudo-didactique), l’illusion de la garantie scientifique (fonction pseudo-scientifique), l’illusion d’avoir le choix.
Références
Adam, Jean-Michel & Bonhomme, Marc (1997) : L’Argumentation publicitaire, Paris, Nathan.
Martinot, Claire (1997) : La langue de spécialité et le discours scientifique, dans : Jordi Piqué, J.-Vicent Andreu-Besó, María del Carmen Cuéllar éds, Nau Llibres, Valencia.
Romero, Clara (sous presse, 2009?) : La répétition dans le discours publicitaire. Dans : Actes des Journées d’études doctorales « Re-répéter-répétition », 16-18 avril 2007, Presses Universitaires de Savoie.
15h15-15h55 - Claire MARTINOT, Université Paris Descartes, Modyco UMR 7114, Reformulations paraphrastiques et stades d’acquisition en français langue maternelle : enfants de 4, 6, 8 et 10 ans
De même que Jakobson postulait que l’enfant crée en empruntant et que chaque imitation nécessite un choix et donne ainsi lieu à un écart créateur par rapport au modèle, la conception que nous défendons de l’acquisition de la langue maternelle repose sur un principe semblable selon lequel l’acquisition a lieu non pas parce que l’enfant sait imiter ce qu’il entend mais parce qu’il peut transformer ce qu’il entend. Nous analyserons un sous-ensemble de ces procédures de transformation ou de reformulation qui ont la particularité de maintenir invariant le sens de l’énoncé source, entendu comme l’information exprimée dans l’ES. La compétence paraphrastique est peu décrite dans les travaux portant sur la période dite des acquisitions tardives bien que l’acquisition graduelle de cette compétence soit indispensable à la maîtrise de la langue. A partir d’un protocole semi-expérimental de textes restitués par des enfants de 4 à 10 ans (francophones), nous analyserons quels types de paraphrases les enfants ont produits. La comparaison des reformulations paraphrastiques aux différents âges devrait nous informer très précisément sur les lieux de la complexité en langue mais aussi sur les constructions les plus productives en français et leur maîtrise à un âge donné.
15h55-16h35 - Agnès STEUCKARDT (Université de Provence, Laboratoire "Parole et langage", UMR 6057) : Reformulation et réorientation sémantique dans les débats parlementaires
Dans ses analyses sur la paraphrase, Catherine Fuchs excluait de son champ les mises en équivalence d’un X et d’un Y lorsqu’elles « ne reposent que sur des identités référentielles » (Fuchs, Paraphrase et énonciation, Gap, Ophrys, 1994, 56) ; elle considérait ainsi que la proposition le vainqueur d’Austerlitz était de petite taille ne constituait pas une paraphrase de le vaincu de Waterloo était de petite taille. Les études sur la reformulation, si elles ont souvent privilégié la reformulation paraphrastique, qui fonde la mise en équivalence de X et Y sur un invariant sémantique, ne pouvaient laisser de côté les reformulations non paraphrastiques. Pour ces dernières, faute d’invariant sémantique, la mise en équivalence semble pouvoir se fonder sur l’identité référentielle. Quelle variation sémantique éloigne alors X et Y ? Quelle relation les lie ? Les études sur la reformulation non-paraphrastique suggèrent plusieurs pistes, notamment une relation d’implication, mais aussi la possibilité d’un rapport d’opposition. Prenant comme terrain d’investigation les débats parlementaires de l’Assemblée nationale (XIe et XIIe législature), on examinera le rapport sémantique entre X et Y dans des reformulations non paraphrastiques, comme celles de ce commentaire sur la réforme des collectivités territoriales :
"Cette réforme a été imaginée et conçue à partir du point de vue des seuls assujettis, qu’il fallait impérativement soulager d’un impôt excessif, jamais de ceux qui le perçoivent, c’est-à-dire les collectivités publiques. Autrement dit, on supprime et à elles de se débrouiller avec la suite !" (Arnaud Montebourg, Assemblée nationale, Deuxième séance du 21 octobre 2009)
7 avril 2010 : Unités prosodiques et unités syntaxiques en français parlé : où en
sommes nous dans le projet Rhapsodie ? séance organisée par Sylvain KAHANE & Anne LACHERET
14h-14h15 - Présentation du projet Rhapsodie et de l'extrait de parole choisi, Anne LACHERET
14h15-14h55 - Sylvain KAHANE (UPOND et MoDyCo) : Segmentation syntaxique : unités rectionnelles et unités illocutoires
Nous montrerons comment les productions orales s'organisent selon deux dimensions indépendantes que l'on nomme selon les points de vue microsyntaxe et macrosyntaxe ou syntaxe fonctionnelle et topologie.
Nous nous intéresserons tout particulièrement aux non-congruences entre ces deux dimensions.
15h10-15h50 - Paola PIETRANDREA (Roma Tre, chercheuse invitée à MoDyCo) : Typologie des entassements
Les phénomènes d'entassement (coordination, disfluence, reformulation, effet deux-points, apposition, correction, etc) jouent un rôle fondamental dans la construction syntaxique des productions orales et la définition des unités rectionnelles. Nous présenterons les différents types d'entassements, en montrant notamment comment ceux-ci produisent des effets de sens variés et peuvent lier des unités illocutoires ou des tours de parole séparés.
15h50-16h30 - Anne LACHERET (UPOND et MoDyCo) : Segmentation prosodique : périodes intonatives et proéminences accentuelles .
Nous présenterons une méthode de segmentation et d'annotation semi-automatique de la prosodie et proposerons une interprétation fonctionnelle des résultats obtenus au regard de l’extrait choisi pour cet exposé. Il s'agira de se poser la question de l'alignement des unités prosodiques émergentes avec les unités définies dans le traitement syntaxique et de ses limites.
12 mai 2010 : Ponctuaphie et typogration, de Perrault à Brassens.
Séance organisée par Jean-François JEANDILLOU & Catherine BORÉ.
14 h. - 14 h. 30 - Catherine Boré (Université de Cergy, MoDyCo) : Variations typographiques dans les imprimés des Contes de Perrault : le sens et l’auteur.
15 h. 40 - 16 h. 20 - Jean-François Jeandillou (UPO, MoDyCo) : Autographie et typographie de la chanson.
Résumés en pdf ci-dessous.
26 mai (et non 2 juin) :
à l'Université Paris-Descartes, amphi Durkheim, 17 rue de la Sorbonne, 75005 Paris.
Séance organisée par Delphine BATTISTELLI : Ressources pour le TAL
Christiane FELLBAUM (Department of Computer Science, Princeton University): WordNet enhancements
Delphine BATTISTELLI, MoDyCo – UMR 7114, MC Univ. Paris-Sorbonne : Expression(s) de la temporalité dans les textes et navigation texuelle
Charles TEISSÈDRE (doctorant, MoDyCo – UMR 7114 CNRS, Univ. Paris Ouest) : Analyse linguistique de la temporalité et technologies du Web Sémantique.
Bilan de fin d'année en présence des Directeurs des écoles doctorales ED 139 et ED 180 de Paris Ouest et Paris Descartes :
16h30 : Bilan du séminaire par Philippe GRÉA et Colette NOYAU, organisateurs du séminaire
17h : Clôture du séminaire par Robert DAMIEN (Directeur de l'ED 139), Sarah LEROY (Directrice adjointe de MoDyCo), Olivier MARTIN (**Directeur de l'ED 180), Jean-Luc MlNEL (Directeur de MoDyCo)
17h30 : Pot de clôture en salle E367
Résumés
1. Christiane FELLBAUM (Department of Computer Science, Princeton University): WordNet enhancements
Advanced natural language understanding requires the reader to construct a mental model of the entities and events that are being referred to, which in turn requires going beyond information that is explicitly represented on the surface. Fundamental to this process is the availability and application of a large body of world knowledge. While human language users easily supply implicit information, automatic systems are currently not equipped to draw even the most basic inferences from what is explicitly stated.
In this talk, I will describe a sharable respository of machine-sensible world knowledge resulting from the targeted enrichment of the WordNet lexical resource. I describe two kinds of WordNet enhancements that move it closer to knowledge base. First, semantic typing of “morphosemantic links” allows the introduction of Semantic Roles linked to specific word senses. Second, semantic annotation of WordNet's 120,000 definitions and the generation of full, logical representations that include include semantic relations yield numerous connections among concepts that reveal implicit knowledge in text. All enhancements are evaluated and an outlook for future work is provided.
Joint work with Anne Osherson, Peter Clark and Jerry Hobbs
2. Delphine BATTISTELLI, MoDyCo – UMR 7114, MC Univ. Paris-Sorbonne : Expression(s) de la temporalité dans les textes et navigation textuelle
Nous proposons de présenter notre cadre général d’analyse de la temporalité dans les textes caractérisée en termes d’opérations explicites inscrites dans la méthodologie d’analyse de la linguistique énonciative d’une part et de la linguistique textuelle d’autre part. Faisant des finalités d’analyse de la temporalité dans les textes un principe de description de l’objet lui-même, nous proposons de considérer ces opérations comme instruisant par ailleurs des formes – plus ou moins directes – d’opérations de navigation proposées à un utilisateur donné telles qu’elles peuvent être envisagées dans les systèmes de navigation textuelle. L’ensemble de la démarche repose sur une analyse en grande partie d’unités grammaticales et cherche à appréhender dans leur étroite interaction les trois catégories fondamentales de Temps, d’Aspect et de Modalité ainsi que la Dimension textuelle.
Charles TEISSÈDRE (doctorant, MoDyCo – UMR 7114 CNRS, Univ. Paris Ouest) : Analyse linguistique de la temporalité et technologies du Web Sémantique
Le projet de recherche que l’on propose d’exposer aborde le problème de l’accès au contenu informationnel des textes numériques, via des critères liés à l’expression de la temporalité dans les textes.
La visée du projet est double : il s’agit de concilier une approche conceptuelle et opératoire, du point de vue linguistique, et une approche applicative, dont l’objectif est de participer à l’élaboration de nouveaux outils d’accès au(x) texte(s), en s’appuyant sur les technologies issues des travaux menés autour du Web Sémantique. Il s’agit ainsi à la fois de mettre en œuvre des systèmes d’interaction avec les utilisateurs et de parvenir à modéliser et représenter les structurations textuelles nées de l’analyse de la temporalité, afin d’enrichir la qualité de ces systèmes d’interaction.
La mise en œuvre de nouveaux modes d'accès aux textes pour les utilisateurs/lecteurs suppose l’élaboration d’un modèle qui prenne en compte les usages envisagés et qui puisse représenter et rendre compte finement des divers types de structuration textuelle que fait apparaître l’analyse linguistique de la temporalité. Le projet vise ainsi à contribuer au renouvellement de la ou des lecture(s) possible(s) des textes, via des critères temporels, grâce au support numérique et aux technologies du Web Sémantique.